Ces derniers mois, avec l’accentuation des tensions sur le marché candidat, il est de plus en plus difficile d’attirer des talents… En effet, le nombre d’entreprises qui ont exprimé des difficultés lors de leurs recrutements durant le trimestre écoulé a nettement grimpé. Il a atteint 69 %, soit 5 points de plus que durant les trois derniers mois de 2021 selon l’APEC… Les candidats sont moins nombreux, les process de recrutement se rallongent et, cerise sur le gâteau, certains candidats, une fois la proposition d’embauche acceptée, disparaissent.
Au regard des coûts et investissements nécessaires pour recruter de nouveaux collaborateurs, on ne peut qu’être surpris par la faible énergie dépensée par les entreprises et les acteurs du recrutement une fois que le candidat a accepté la proposition. C’est un peu comme si tous les acteurs qui ont participé au recrutement poussaient un « ouf » de soulagement et passaient à autre chose… Triple erreur selon moi.
Le candidat continue d’être sollicité durant les 3 mois qui précédent son préavis, et également durant les premiers mois qui suivent son intégration…
Le candidat qui ne « signe » plus pour 15 ans va être attentif à ce que la promesse qu’on lui a faite durant son process de recrutement corresponde bien à la réalité de ses premiers jours.
Si cela n’est pas le cas, il risque alors de démissionner durant sa période d’essai – On estime aujourd’hui que presque 1 candidat sur 4 démissionne durant cette période.
D’après l’étude « Preparing for take-off » du cabinet Hay Group, le taux de turnover dans le monde entre 2013 et 2018 était de 23%, et les chiffres ne semblent pas aller dans le bon sens.
Au-delà des actions structurantes à mettre en place (cadre de travail, avantages sociaux, équipement de travail, lien social en interne, projets RSE…), il me semble que c’est tout le process de recrutement qui doit être repensé. Penser l’acte de recrutement comme allant de la prise de brief entre l’opérationnel et le RH (ou le cabinet) et l’acceptation de la promesse d’embauche est bien entendu insuffisant. Recruter, c’est aller au-delà du simple fait d’embaucher, c’est faire en sorte que le candidat reste…
Pour aider nos clients à y parvenir, quelques actions simples sont mises en place au sein de notre cabinet. Tout d’abord il est bien évident qu’il est particulièrement important de faire des points réguliers avec le candidat lors de la période d’essai pour s’assurer qu’il n’y a aucune dissonance entre ce qui lui a été « vendu » et la réalité du poste, de son environnement…
Il est essentiel de communiquer un maximum d’informations au candidat sur l’entreprise avant même qu’il ne l’intègre. Une bonne préparation, projection dans son futur environnement, facilite nettement l’intégration.
Il peut également être intéressant d’établir une feuille de route (appelé coaching d’intégration chez haxio Talent) avec le candidat intégré, en établissant avec lui les points sur lequel il va devoir se développer pour réussir au mieux son intégration. Un contrat entre les différentes parties afin de considérer que le 1er jour n’est pas une fin en soi mais plutôt le début d’un processus de développement, de suivi avec le nouveau collaborateur…
Penser le recrutement plus globalement c’est finalement éviter qu’un candidat sur 4 ne soit à recruter à nouveau. L’énergie économisée à ne pas devoir ré-enclencher une procédure de recrutement à la suite du départ d’un candidat fraichement recruté, pourra être consacrée à repenser le process de recrutement. Et s’il était temps d’envisager le recrutement de façon beaucoup plus large, sur une temporalité allant à minima de la prise de brief au déroulé de la première année pour le candidat ?
Frédéric Schwenck directeur des opérations – haxio Talent
Marcelle Laliberté, Chief Diversity, Equity and Inclusion Officer chez HEC
Florence Hordern, Directrice pratice enseignement supérieur chez haxio Talent
Frederic Schwenck, Directeur des opérations d’haxio Talent
Animé par Laurent Marx, Directeur industrie chez haxio Talent
Guerre des talents, crise de la covid, crise économique et, en même temps, reprise forte dans certains secteurs. Le monde du recrutement est en ébullition depuis quelques mois, les entreprises cherchant à attirer à tout prix les meilleurs talents. Mais comment se situent aujourd’hui les étudiants, notamment des grandes écoles, eux qui seront les collaborateurs de demain ? Les candidats d’aujourd’hui se comportent-ils différemment de ceux qui postulaient avant la crise de la Covid ? Réponses en quelques mots clés.
SENS
Les candidats d’aujourd’hui, et les étudiants notamment des grandes écoles, mettent tous en avant « une quête de sens », explique Marcelle Laliberté, Chief Diversity, Equity and Inclusion Officer HEC. « Avant les élèves des grandes écoles allaient dans les grandes entreprises sans trop se poser de questions, poursuit Florence Hordern, Directrice de la practice enseignement supérieur chez haxio Talent, maintenant ce n’est plus aussi évident. Et le candidat est en position de force. » Aux entreprises de montrer qu’elles cherchent une personnalité, avant une ressource. Et que les valeurs qu’elles affichent, aussi bien en termes de RSE, de diversité ou de développement durable, ne sont pas que des mots. Mais correspondent à une réalité. A tel point que la question du salaire peut être secondaire dans le choix d’une organisation pour un candidat, alors que l’environnement de travail, la RSE, la qualité de vie au travail et l’environnement professionnel vont largement peser.
TOUT, TOUT DE SUITE
Revers de la médaille, les candidats veulent tout, tout de suite. Des processus de recrutements raccourcis, la possibilité de passer du temps avec ses futurs collègues avant de signer, de visiter les locaux ou de savoir précisément dans quel univers managérial ils vont s’inscrire. « Le discours est absolument désinhibé », constate Frederic Schwenck, Directeur des opérations d’haxio Talent. Le télétravail n’est plus négociable, c’est un prérequis. Les moments collectifs existent évidemment mais sans jours fixes et le travail en mode projet devient la règle.
« Les étudiants ont vu quelles entreprises étaient capables de s’adapter rapidement pendant la crise, dit Marcelle Laliberté d’HEC. Ils savent donc que les changements sont possibles et donc ne voient pas pourquoi ils devraient attendre. » Certaines entreprises voient les nouveaux arrivants renouveler de leur propre chef leur période d’essai, d’autres exigent de pouvoir habiter loin de leur travail, y compris pour des postes de manager. Une véritable fracture générationnelle, qui va monter en puissance selon Marcelle Laliberté, qui est au contact des étudiants d’HEC.
RESPECT DE MA PERSONNALITÉ
Autre point crucial, les étudiants et nouveaux candidats veulent que l’on respecte leur personnalité, y compris quand ils intègrent une entreprise qui a une culture et des habitudes managériales anciennes. Certains managers voient de jeunes collaborateurs abandonner l’allure classique du cadre à chemise bleue ou blanche et costume. La cravate étant, en règle générale, déjà un lointain souvenir. « C’est l’application à l’entreprise du slogan venez comme vous êtes » note Florence Hordern. Ces envies de liberté vestimentaire ou concernant l’organisation du travail se ressentent même sur le type de contrat que souhaitent les jeunes recrues ou étudiants. De plus en plus d’entre eux choisissent de collaborer dans les entreprises avec un statut de freelance. « Ils ne s’inscrivent plus dans le temps long avec leur employeur, affirme Marcelle Laliberté. Ils ont vu parfois comment leurs parents ont été maltraités dans leur travail, et ne veulent pas subir la même chose. Alors ils sont là pour quelques années, pas plus et souhaitent partir vite si l’envie se fait jour, ou qu’une autre opportunité se présente. »
ALORS , COMMENT RECRUTER ?
« Nous assistons peut-être à la fin des annonces de recrutement standardisées, prédit Frédéric Schwenck. On voit d’ailleurs émerger des processus de recrutement inversés. » Toutes les entreprises et recruteurs le constatent, la e-réputation des entreprises est devenue un impératif. Il faut aussi répondre aux demandes de liberté et d’innovation, sous peine de ne pas trouver de candidats. Naturellement, les processus doivent être raccourcis sans quoi les candidats disparaissent. Les managers doivent aussi répondre aux demandes de transparence, notamment sur les rémunérations. « Les entreprises qui sortiront en bonne position de cette guerre des talents sont celles qui se posent des questions sur leur raison d’être, celles qui savent où elles veulent aller », dit Marcelle Laliberté d’HEC.
La crise qui oblige à innover aura alors, peut-être, eu du bon.